J'espère que ces quelques extraits vous inciteront à lire

" Un jeune homme d'honneur "

et que vous prendrez autant de plaisir à parcourir ce roman que j'en ai eu à l'écrire. (Claude Nal)

 
   
 

Provence

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Il est au milieu de sa terre, au cœur de son pays, de sa Provence. Au lever du soleil, il n’y a pas d’endroit aussi merveilleux ! Aucune terre ne peut exhaler de pareilles senteurs. Il connaît chacune des plantes qui produisent ces parfums : le thym en premier, mais aussi les différentes sauges, le romarin, la sarriette et cette merveille que la nature a offerte à la Provence, et croit-il, seulement à la Provence : la lavande. Imprégné de ces odeurs qui embaument ses collines, il se mettrait à croire que Dieu est venu sur place pour installer lui-même le décor, tellement il ressent de la perfection sur son chemin pourtant caillouteux, sec et pentu

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La Mémée

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A Oran les traditions espagnoles sont bien ancrées et la mama en est souvent la gardienne. Elles se ressemblent toutes les grands-mères oranaises ! Anna-Maria est comme toutes les autres, ou presque, toujours vêtue de noir comme s’il y avait en permanence un deuil récent dans la famille. Elle a sur ses cheveux gris, ou sur les épaules, un fichu en laine de la même couleur. Elle est rondelette car elle passe beaucoup de temps à cuisiner et elle aime bien goûter ses plats. La cuisine est d’ailleurs la pièce principale de sa maison où tout est impeccablement astiqué et rangé. Les gros plats économiques et la charcuterie sont la base des mets qu’elle présente toujours  à sa famille avec entrain et bonne humeur. Pour elle, servir son mari, ses enfants, voire ses petits-enfants, quand ils lui font la joie d’une visite, est une tâche normale et même importante dans sa vie. Elle ne la confie à personne. Elle est souvent debout à faire la navette entre la cuisine et la table, tandis que les autres sont assis et se régalent de ses préparations

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Le forgeron

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Nicolas l’aperçoit plus nettement maintenant. Il l’observe bouche bée. Son oncle est devant un feu aux couleurs vives rouge, jaune, bleue, verte, d’où jaillissent des étincelles qui partent dans toutes les directions. Il y plonge les matériaux à travailler jusqu’à en faire une pâte rouge-orange qu’il pose ensuite sur son enclume  pour la malaxer et lui donner la forme qu’il souhaite.

Le fer, tenu par une paire de pinces à long manche, tourne aux ordres de sa main gauche, tandis que la droite donne des coups de marteau plus ou moins forts en fonction du résultat à obtenir. Mais toujours il y a un coup sur le fer et un coup sur l’enclume en alternance. Et cette musique très particulière rythme les mouvements de l’artiste et de ses outils en même temps que de nouvelles étincelles jaunes et blanches s’envolent autour de l’enclume.

La lumière du feu illumine l’homme qui, avec son béret, ses lunettes de protection et son grand tablier en cuir, prend des airs d’extra terrestre.

« Oh ! Félix, regarde qui est là ! »,  lui crie Rose entre deux coups de marteau.

Le forgeron se tourne vers la porte et, apercevant à contre-jour les silhouettes de sa femme et de Nicolas, s’écrit à son tour :

« Oh ! Mais c’est le caganis des Dorval ? J’arrive ! »

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Le bar

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La porte à peine entrebaîllée il aperçoit une petite  bonne femme fluette, enveloppée d’un drap blanc, et haute comme trois pommes, qui le regarde avec deux grands yeux noirs et pénètre rapidement dans le bar, en susurrant presque, un timide « bonjour monsieur ! ». Il n’est pas étonné car il sait que la petite mauresque Aïcha vient tous les matins à cinq heures moins le quart pour le ménage. Le temps de se retourner et de répondre à son bonjour, il la voit déjà au travail. Après avoir soigneusement plié et rangé son drap, elle empile les chaises métalliques par groupes de quatre et les place sur les tables pour que l’espace soit plus accessible au balai et au chiffon du parterre. La salle est balayée avec soin et plus particulièrement la sciure qui a été déposée, la veille, le long du comptoir, pour éviter que le sol ne soit trop tâché par les débris de kémia et les débordements de verres, mais aussi pour éviter des glissades accidentelles sur les peaux de lupins, les noyaux d’olives et morceaux d’escargots quand ils font partie des amuse-gueules à l’heure de l’apéritif

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L'eau et le sable

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La plage est déserte. La lune est au rendez-vous. Le sable est encore chaud et la mer toujours tiède. Quel bonheur pour ces deux jeunes gens qui sont en train de découvrir ce que signifie l’expression « battre la chamade ». Leurs cœurs s’affolent. Ils n’en sont pas à leur premier émoi, mais à ce moment là ils découvrent des sensations nouvelles, profondes, presque effrayantes tellement elles sont nouvelles et profondes. Ils marchent dans l’eau. De nouveau leurs mains se rencontrent et leurs doigts s’entrelacent, mais avec plus de force que la première fois. Une grande attirance et une infinie pudeur les enveloppent. Ils ne parlent plus. Ils marchent dans l’eau. Nicolas, lentement attire son amie vers le sable sec et l’invite à s’étendre ; pour écouter la mer, lui dit-il. Et c’est vrai que ce bruit de l’eau sur le sable est la musique préférée de Nicolas. S’il existe une mélodie qu’il souhaite faire partager à Michèle, c’est bien celle-là.

« Écoute  comme c’est doux. Il n’y a rien de plus doux dans la nature que le bruit de l’amour de l’eau et du sable »

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La guerre d'Algérie

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La réunion suivante est prévue chez Jean-Pierre qui occupe seul un petit appartement sur le boulevard front de mer. Alain et Nicolas s’y rendent en passant à l’ombre des arcades de la rue d’Arzew – rue du Général Leclerc. Alors qu’ils font partie de la foule des gens  qui déambulent dans cette rue, la plus fréquentée d’Oran, ils essuient brutalement des rafales de tir à la  mitrailleuse de calibre 12,7. Les gardes mobiles sur leurs véhicules équipés de ces armes, tirent, à partir de rues perpendiculaires prises en enfilade, sur tout ce qui bouge sans distinction de sexe, d’âge, de religion ou de handicap. Tous sont égaux  sous leurs balles. Les impacts sont énormes, les vitrines de plusieurs magasins volent en éclats.

« Les brutes ! Ils ne respectent rien, crie Alain à Nicolas »

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L'exode

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Voilà comment, le treize juin 1962,  le jeune Dorval quitte Oran où il est né, il y a vingt-et-un ans presque jour pour jour, où il a passé son enfance et son adolescence, et où ses parents et l’ensemble de sa famille ont durement travaillé, et quelques fois souffert, pour participer à l’enrichissement et à l’embellissement de cette ville. Oran, ville de ses rêves, de ses joies, de ses peines de jeunesse, ville où il a appris l’amitié et l’amour, c’est-à-dire la vie. Oran où la joie d’exister était matérialisée par des couleurs lumineuses, des bruits mêlés de chants et les rires, des sensations de plaisir, des sentiments de la plus grande pureté. Ville la plus belle de France éclairée par un soleil, un ciel, une mer exceptionnels et par le sourire éclatant des plus belles filles du monde. Oran  qu’il quitte bien tristement poussé par la lâcheté, et la cruauté de nombreux Algériens et, hélas, de nombreux Français

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L'amour

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Sa découverte, relativement récente, du regard troublant, du sourire enjôleur, du corps envoûtant des filles a été pour lui l’éclairement sublime d’un début d’adolescence qui restera, peut-être, la plus géniale période de sa vie.

Et, lorsqu’elles lui ont fait l’offrande du baiser, elles lui ont apporté, avec le miel de leurs lèvres, les sensations et les émois les plus fabuleux. Leur a-t-il donné, en échange, tout ce qu’elles méritaient ? « Je l’espère ! Même si je me suis efforcé de les respecter. Puissent-elles  avoir rangé mon image dans leurs bons souvenirs. »

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Le désert

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Le soleil glisse à l’Ouest en faisant rougir le sable de l’horizon. C’est alors un spectacle grandiose que tous se mettent à admirer dans un silence de cathédrale. Le soleil est maintenant un immense cercle allant du carmin à l’orange. Il descend lentement, comme pour se faire mieux admirer. Au loin, tout le long de l’horizon, une bande brunâtre pailletée d’or absorbe l’astre comme pour lui éviter de se brûler au contact de ce sable qu’il a lui-même embrasé. Le soleil ne touche pas le sol mais il cache petit à petit sa splendeur dans cette couche où, semble-t-il, il va passer la nuit. Les couleurs s’estompent, l’or devient argent et le noir s’étend pour tout recouvrir.

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